Serge Latouche

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Serge Latouche = intellectual founder of one of the branches of the "decroissance" movement, which argues that civilization can no longer be founder on infinite economic growth.


Biographie

Professeur émérite d’économie de l’université de Paris-Sud. Revenu du développementalisme et d’un marxisme hétérodoxe, il remet progressivement en question l’idée de croissance par le développement et se laisse séduire par les idées d’Ivan Illich. Il fait partie aujourd’hui des porte-parole du mouvement de la décroissance qu’il préfère nommer "a-croissance".


Histoire intellectuelle et Publications

Après Mai 68, les profs étaient pratiquement tous partis à Paris, et à Lille je me suis retrouvé à faire ce que je voulais ou à peu près. Donc j’ai commencé à faire des cours de philosophie économique, d’épistémologie économique et j’ai enseigné une déconstruction critique de l’économie politique, de l’économie, y compris celle de Marx. Et ce après plusieurs années de réflexion fondamentale en passant par l’anthropologie économique, c’est-à-dire une critique de l’homo economicus au nom de l’anthropologie plus concrète, à travers Karl Polanyi, Marshall Sahlins et Marcel Mauss. L’anthropologie économique parlait d’une réalité sociale qui était totalement étrangère aux économistes et qui pourtant devait les interpeller. Et il en est sorti un premier livre qui s’appelait Critique de l’impérialisme, c’était une critique des théories marxistes et léninistes de l’impérialisme pour donner une autre interprétation du développement et du sous-développement en tant que déculturation, destruction des cultures par la position d’une culture extérieure, celle de l’occident.

C’est à ce moment-là que j’ai écrit deux livres, L’occidentalisation du monde et Faut-il refuser le développement?, dont mes amis suisses ont dit qu’il était excellent mais que comme chez tous les Français il ne proposait rien concernant la dimension écologique. Effectivement, je faisais la critique de l’impérialisme occidental, de l’occident, de la déculturation, mais les limites naturelles n’entraient pas dans mon schéma. Pourtant je connaissais les travaux du Club de Rome et j’étais d’accord avec eux, mais je ne savais pas comment les intégrer. C’est venu seulement plus tard, avec La planète des naufragés. Et pendant toute cette période se mettait en place une petite franc-maçonnerie internationale autour de gens qui avaient tous été disciples ou élèves d’Ivan Illich, comme Majid Rahnema qui a écrit Quand la misère chasse la pauvreté ou comme Wolfang Sachs en Allemagne. Toutes ces gens se retrouvaient pour dénoncer l’imposture du développement, la trahison de l’opulence. Il y avait une forte culture écologique, une forte critique des dégâts écologiques et des limites écologiques de la planète.


Les deux branches du mouvement de la décroissance

Différences avec Nicholas Georgescu-Roegen

Il y a deux branches dans la famille de la décroissance : une branche plutôt "bio-économie", économie écologique, thermodynamique, etc., la branche de Georgescu-Roegen bien représentée par Jacques Grinevald. C’est plus une branche d’économistes, d’ailleurs, qui remettent en cause l’économie mais à travers l’écologie. Lorsque Jacques Grinevald avait traduit et publié un ensemble d’essais de N. Geogescu-Roegen sous le titre Demain la décroissance [cf. la bibliographie], je n’avais pas vraiment accroché, comme je n’accrochais pas d’ailleurs aux idées de mon collègue René Passet. Cette approche critique de l’économie par l’écologie, n’entrait pas dans mes schémas de pensée. Et puis il y a une autre branche qui est la branche des "anti-développement" : pour la plupart des experts en développement qui ont vécu dans le tiers-monde et qui ont radicalement remis en question la croissance par le développement et ont rejoint la figure emblématique d’Ivan Illich.

J’aborde le problème de la compatibilité entre le fonctionnement d’une civilisation et l’espace bio-productif disponible, donc en plein dans la problématique de l’écologie. C’est là que je rejoins Nicholas Georgescu-Roegen quand il dit : "Celui qui croit qu’une croissance infinie est compatible avec un monde fini, est un fou ou un économiste !". Mais il n’y a malheureusement pas que les économistes qui soient des esprits "cornucopiens" - comme les appelle Yves Cochet - c’est-à-dire qui croient à la corne d’abondance. S‘il y a une différence entre mon approche et celle de Nicholas Georgescu-Roegen, c’est que lui a voulu rester dans l’économie, dans la bio-économie - comme Passet d’ailleurs - et intégrer dans l’économie la deuxième loi de la thermodynamique C’est la loi de "l’entropie croissante de tout système clos", de la dégradation de l’énergie et de l’épuisement des ressources. Je crois qu’il faut aller plus loin et c’est là que se trouve l’apport des disciples d’Illich : c’est la prise de conscience que l’économie est une culture et que c’est une culture occidentale. Pour Nicholas Georgescu-Roegen, l’économie n’est ni occidentale, ni bantoue, ni quoi que ce soit, c’est la science. De ce point de vue-là, il est resté un scientiste et probablement un universaliste. Alors que personnellement je pense que la décroissance implique une certaine forme de relativisme.


Livres clés

  • Serge Latouche, Faut-il refuser le développement, ed. PUF, 1986.
  • Serge Latouche, Survivre au développement. De la décolonisation de l’imaginaire économique à la construction d’une société alternative, Editions Mille et une nuits, Paris, 2004
  • Nicholas Georgescu-Roegen, 1) Demain la décroissance, Lausanne et Paris, Editions Pierre-Marcel Favre, 1979 2) Sang de la terre, Paris, 19952.
  • La fin du développement, François Partant, 1983, Actes Sud (Babel), Réédition 1997
  • La ligne d'horizon, essai sur l'après-développement, François Partant, Ed. La Découverte, 1988